Vous avez pu voir dans la presse évoquer les travaux de la commission Darrois qui réfléchit à l’avenir de la profession d’avocat.
Cette belle profession a besoin de se structurer et de se développer.
Pour autant faut-il importer d’outre-atlantique un modèle d’organisation qui porte une part non négligeable de responsabilité dans la crise financière actuelle? Je ne le crois pas.
Vous trouverez ci-après le texte de ma contribution aux travaux de cette commission.
CONTRIBUTION DE L’ASSOCIATION DU NOTARIAT FRANCOPHONE A LA COMMISSION DARROIS
C’est en ma qualité de Président de l’Association du Notariat Francophone (ANF) que je verse cette contribution aux débats de la commission.
L’ANF regroupe les notariats des pays ayant le français en partage : pays africains, pays francophone de l’Union Européenne, Québec, Suisse, etc.
Ces pays partagent également une culture juridique commune, dite de droit continental ou de droit latin.
Cette culture juridique se distingue clairement de la culture juridique anglo-saxonne ou de « Common Law ».
L’association est donc préoccupée de voir que l’on pourrait imaginer une fusion des professions d’avocat et de notaire alors que les rôles respectifs de ces deux professions sont une des caractéristiques du système juridique en vigueur dans les pays francophones.
La France vient d’intégrer dans sa constitution un titre XIV consacré à la Francophonie dont l’article 87 prévoit que : « La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage. »
On comprendrait mal qu’au même moment la France modifie substantiellement son organisation juridique pour s’inspirer d’un modèle anglo-saxon.
Dans les pays francophones, les notaires, par délégation de l’état, assurent la mission de conférer l’authenticité aux actes qu’ils reçoivent. La date certaine, la force probante et la force exécutoire des notaires font de l’acte authentique la pierre angulaire du système de droit civil.
Les notaires avec les contraintes de leur statut garantissent ainsi la sécurité juridique, l’équilibre contractuel et la prévention des conflits.
L’association comprend tout aussi mal l’idée qu’un acte sous signature juridique établi par un juriste compétent puisse concurrencer l’acte authentique. Le notaire n’est pas seulement un juriste compétent et il n’est pas le seul juriste compétent. Mais il est aussi un officier public dont le statut et ses contraintes garantissent la bonne exécution de la mission qui lui est confiée par l’Etat.
Il résulte de tout cela qu’il est normal que le cursus de formation des notaires soient
spécifique et ne se confonde pas en totalité avec celui des autres juristes.
Enfin, les structures d’organisation mises en place pour l’exercice des professions sont directement liées à leur statut. L’indépendance et l’impartialité des notaires doit être garantie par le type d’organisation professionnelle des cabinets.
Pour se convaincre, faut-il rappeler les dérives nées – dans le domaine du chiffre – de l’adoption de normes comptables anglo-saxonnes ou de la concentration de firmes d’expertise des comptes. Les réflexions et propositions de votre commission sur l’avenir des professions ne doivent pas conduire à l’abandon d’un système juridique dont l’une des vertus est la sécurité.
La régulation qui résulte de l’intervention du notaire dans les pays francophones est à l’heure de la mondialisation des échanges un atout dont il serait dommage de se priver.
Laurent DEJOIE Président de l’Association du Notariat Francophone.
L’avocat et le notaire ne font pas le même métier. L’un et l’autre ont leurs spécificités et leurs compétences. Le premier défend les intérêts de son cleint lorsque l’avocat veille au respect des droits des deux parties au contrat. Cet argument que vous reprenez dans la presse d’hier me semble suffisant pour plaider contre cette idée de métier unique du droit. Dans notre intérêt, le droit français est à la fois complexe et précis, et plaide en faveur de spécialités clairement définies.
sauf le respect que je vous dois, je ne comprends pas bien la relation entre l’organisation financière actuelle due aux anglo-saxons et l’avenir de la profession d’avocat????
En quoi la fusion notaire/avocat aurait elle un rôle dans une quelconque crise financière???
C’est un peu comme si on disait que le premier ministre qui prend un Falcon 900 pour faire 250 kms entre Sablé sur Sarthe et la rue de Varenne à Paris était responsable de l’augmentation de l’effet de serre?
Ce qui est certain, c’est qu’il ne fallait pas laisser des petits jeunes au cerveau surdimensionné avec l’économie en faisant croire qu’avec 1 euro, on pourrait en faire 10 sans rien faire, juste par des jeux d’écriture.
La question posée est celle d’un modèle général d’organisation, en l’occurence celui des USA, et son adaptation à notre propre propre environnement. Le problème en ce qui me concerne n’est pas celui de l’avenir de telle ou telle profession, c’est plutôt celui du respect des droits des citoyens.
Réponse à "homme de robe" – Quand je fais allusion aux liens entre l’organisation juridique et la crise financière actuelle, je constate que cette crise dite "des subprimes" trouve son origine en partie du défaut de contrôle et de régulation. Le crédit hypothécaire aux Etats-Unis n’a pas les mêmes règles que dans notre système. L’intervention du notaire dans la prise de la garantie hypothécaire apporte un certain nombre de garanties qui sont précieuses. L’ultralibéralisme montre aujourd’hui ses limites le marché a besoin de régulation. Notre système juridique comporte dans plusieurs domaines de tels types de régulation. Le notariat en fait partie.
Tout à fait d’accord avec Maître DEJOIE.
La France et son président doivent mettre leur énergie à tracer la troisième voie entre l’ultralibéralisme, d’une part, et l’économie d’état d’autre part. Le modèle que constitue l’organisation de la profession des notaires en France doit être non seulement maintenu mais élargi. Je crois savoir qu’un notaire qui "pique dans la caisse" est mis en dehors de la profession. Il faudrait en faire de même avec les banquiers ui prennent l’argent de leur client et voient leur entreprise renflouée par les contribuables.
J’ajoute que la concurrence ne peut s’exercer que si le consommateur est à même de juger de la qualité du produit vendu p^pur apprécier et comparer les coûts. Je doute que le droit puisse répondre à cette exigence. Pour pouvoir comparer la qualité d’un acte ou d’une plaidoirie, il faudrait d’abord s’y connaître en droit. Ce qui n’est pas le cas des "consommateurs" du droit. Parler de concurrence dans ces conditions est une ineptie.
Je comprends bien votre inquiétude. Et elle est bien légitime. J’ai du mal à voir de quelle façon cette commision qui vise à penser une profession unique du droit (dirigée par un avocat…, Me Darrois) entend regrouper des compétences juridiques bien différentes. Cela me semble être un chantier colossal et mettrai en péril la profession de notaire. Du point de vue du citoyen lambda, chercher à simplifier le système juridique, améliorer l’accès au droit peut paraître séduisant. Mais cela n’est-il pas qu’un simple prétexte pour cacher la pierre d’achoppement qu’ est de vouloir s’américaniser un peu plus et ne pas susciter l’émoi de l’opinion général ? Je ne suis pas juriste, mais ne serait-il plutôt pas possible de permettre et même d’encourager les différentes professions du droit de s’organiser ensemble dans un même cabinet où nous pourrions trouver avocat, notaire, huissier ? Toujours est-il que Mr Sarkozy sème bien la zizanie entre avocats et notaires. Si je donne bien raison à votre mécontentement en ce qui concerne ce projet de réforme qui semble surprendre Me Darrois, je n’oublie pas que le CSN ne s’est pas trop indigné quand il s’agissait de s’occuper du divorce par consentement mutuel….! Fallait bien finir par une pique !
En réponse à homme de robe :
Laurent Dejoie à écrit :
Pour se convaincre, faut-il rappeler les dérives nées – dans le domaine du chiffre – de l’adoption de normes comptables anglo-saxonnes ou de la concentration de firmes d’expertise des comptes.
Il n’y a pas plus d’extrapolation que ça. La question est bel est bien de savoir si il faut importer aveuglément un modèle qui n’est ,d’une part, pas notre culture, et d’autre part, pas exempt de vices.
Le cas de la crise financière actuelle en est un bon exemple.
certes, certes, critiquer le système anglo saxon est possible mais il faut proposer alors autre chose et qui fonctionne or il est patent que la France avec ses budgets en déficit, ses finances publiques à la dérive, sa manie de tout règlementer et ses bizarreries administratives n’est plus à même de servir de modèle.
Ne parlons même pas de la santé, de l’éducation nationale ou de notre pauvre armée que l’on dépouille au fil des ans. Le porte avions est en cale sèche…
L’avantage qu’en tant qu’usager, je puis voir au regroupement des professionnels du droit est de me dire que sous la même bannière, je pourrai avoir des spécialistes du droit des successions, de la famille et des biens ( les notaires) des avocats pour le droit des sociétés , des juristes fiscalistes, des experts comptables , etc…..
Les professionnels pouvant travailler de concert, prendraient un dossier pour le traiter de A à Z.
En somme une globalisation de mes questions juridiques, fiscales, règlementaires et ayant valeur contractuelle.
Pour connaitre assez bien ces professionnels , je comprends leurs inquiétudes, mais n’est ce pas au barreau des avocats comme à la chambre des notaires d’essayer d’avancer sur ce dossier? en faisant des propositions organisationnelles novatrices?
ou en expliquant les motivations réelles de leur refus de travailler de concert?