INTERVIEW DE NICOLAS SARKOZY AU FIGARO MAGAZINE

Un petit peu plus d’une semaine avant le premier tour des élections présidentielles. D’après les instituts de sondages, il reste encore beaucoup d’indécis. Je n’en fais pas partie. Dans un interview au FIGARO MAGAZINE, Nicolas SARKOZY répond très clairement aux questions qui lui sont posées. A lire ci-dessous, pour les indécis mais aussi pour les convaincus!

Un petit peu plus d’une semaine avant le premier tour des élections présidentielles. D’après les instituts de sondages, il reste encore beaucoup d’indécis. Je n’en fais pas partie. Dans un interview au FIGARO MAGAZINE, Nicolas SARKOZY répond très clairement aux questions qui lui sont posées. A lire ci-dessous, pour les indécis mais aussi pour les convaincus!

Mardi matin, Nicolas Sarkozy a reçu « Le Figaro Magazine » au QG de campagne de la rue d’Enghien, à Paris, pour confier la vérité de son état d’esprit dans la dernière ligne droite. Et remettre quelques pendules à l’heure. Voici l’intégralité de l’entretien.

Le Figaro Magazine – Comment se sent-on quand on est si près du but ? Fatigué, anxieux, excité ?
Nicolas Sarkozy – Non, l’excitation, ce n’est pas quelque chose qui va avec le pouvoir. Fatigué à trois semaines du deuxième tour, ce n’est pas recommandé. Et l’anxiété, ce n’est vraiment pas un défaut qu’il faut avoir quand on choisit mon métier. Il n’y a qu’un seul mot qui décrit bien mon état d’esprit : c’est « concentré ». Concentré sur ce que j’ai à faire, sur ce que j’ai à dire, sur ce que j’ai à incarner. Je n’ai jamais été aussi concentré, peut-être même aussi déterminé. Pour moi, en vérité, c’est une très grande campagne qui a commencé dès 2002. J’irai jusqu’au bout.
Qu’avez-vous appris dans cette campagne, à la fois sur vous, sur les Français et sur la France ?
Sur les Français, je les ai découverts extraordinairement avides de débats, attentifs, passionnés, intéressés, ouverts aux idées nouvelles. C’est ce que je ne cesse de répéter depuis des années : la politique passionne. C’est l’absence de politique qui consterne. Contrairement à ce qu’on dit, la France n’a pas peur du changement, elle l’attend. Sur la France, il y a un formidable besoin de sens, de valeurs, je dirais d’identité. Au fond, le grand débat de la campagne est le débat sur les valeurs. Ce n’est pas un débat sur les mesures, ni sur les propositions. Bien sûr, il y a des propositions, elles incarnent, elles crédibilisent le candidat, mais ce qui compte, ce sont d’abord les valeurs. J’ai essayé de les imposer : le travail, l’autorité, l’identité, la fraternité plutôt que la solidarité, le respect. Enfin, sur moi-même, c’est plutôt moins rude que ce à quoi je m’étais préparé. Les Français m’ont réservé ce privilège : avoir des salles pleines, des audiences record et être placé en tête de 90 sondages. Non, je ne vis pas cela comme un malheur !
Mais avez-vous découvert des choses sur vous-même ?

J’ai 52 ans. C’est un âge auquel, quand même, on se connaît un peu, sinon ce serait préoccupant.
Vous avez paru nerveux avec certains journalistes, parfois avec votre équipe. Est-ce le fait de toute campagne ? Si vous êtes à l’Elysée, serez-vous un président « cool » ?
Je n’ai jamais été nerveux. S’agissant de mon équipe, je lui ai imposé une ouverture que tous ne voulaient pas. Il ne faut pas voir de la nervosité là où il y a une décision de ma part. Je déteste être enfermé, y compris par mon équipe. Et donc, au sein de celle-ci, ceux qui y ont vu de la nervosité ont tort. C’est beaucoup plus important que cela : c’est un choix politique que je leur ai imposé. Je sais parfaitement qu’une partie de mon équipe n’était pas prête à cette ouverture, mais ce n’est pas l’équipe qui fait le candidat. C’est le candidat qui choisit l’équipe.
A une semaine du premier tour, qu’avez-vous encore à dire aux Français ?
Je ne me sens pas du tout en fin de course. Si je suis au deuxième tour, je ferai une autre campagne. A la différence de 2002, on est allé au bout d’un certain nombre de débats. Ce qui me reste à dire aux Français est simple : tout ce que j’ai dit, je le ferai. J’ai conscience qu’on leur a parfois menti dans le passé, qu’ils ont été déçus et je leur demande de me faire confiance. Je ne mentirai pas, je ne les décevrai pas, je ne les trahirai pas : voilà ce que j’ai à dire, et c’est très important.
François Bayrou a trouvé « glaçants » vos propos sur les pédophiles ou les suicidaires, qui auraient cette tendance dès la naissance…
Je croyais que François Bayrou voulait renouveler le débat politique. C’est une curieuse idée de vouloir le renouveler et de ne jamais faire de débat. Quand j’ai prononcé le mot identité, il l’a contesté. Quand j’ai prononcé le mot travail, il l’a contesté aussi. Sur cette affaire de pédophilie, soyons clair : ce n’est quand même pas une idée extrêmement répandue que d’avoir envie de violer un petit garçon de 3 ans ! Qui osera me dire que chacun d’entre nous pourrait avoir cette idée ? Guy Georges qui viole et tue 12 femmes, qui osera me dire qu’il n’est pas malade ? Je n’ignore nullement qu’il y a sans doute une part d’acquis et que tout n’est pas dans l’identité. Mais si on conteste l’idée de cette identité, de ce terrain fragile, alors on conteste l’idée qu’on peut soigner et qu’on peut guérir. Je ne partage pas l’idée que, quand un jeune se suicide, c’est la faute de ses parents. Il y avait déjà une fragilité. Je ne partage pas non plus l’idée que le problème de l’autisme est un problème d’éducation. Dans les années 60, quand j’étais enfant, j’entendais ce jugement très choquant à propos d’un jeune qui était homosexuel : « sa maman l’a fait dormir dans son lit », « sa maman lui achetait des poupées »… On a fait litière de tout ce fatras. Il faut arrêter de culpabiliser, il y a des terrains fragiles. Dans un autre domaine, voyez pour la terrible maladie qu’est le cancer. Bien sûr, la cigarette donne le cancer, mais il y a des tas de gens qui fument deux paquets de cigarettes par jour et qui n’auront jamais de cancer, et d’autres qui ne fument rien, qui sont des fumeurs passifs, et qui auront le cancer, parce que leur terrain est plus fragile. Mgr André Vingt-Trois dit qu’il n’est pas d’accord avec moi. Eh bien moi, je ne suis pas d’accord quand on dit que l’homosexualité est un péché.
Quelles conclusions tirez-vous de cette fragilité de départ ?
Aucun délinquant sexuel ne devrait sortir de prison sans s’engager à se faire soigner. La pulsion meurtrière, la pulsion sexuelle incontrôlable sur un enfant n’est pas simplement un acte de délinquance ; c’est un acte de malade. Il faut sanctionner le délinquant et soigner le malade. Donc, première chose, aucun délinquant sexuel ne doit sortir sans être puni. Deuxième chose : il n’y a rien de plus urgent que de créer une prison-hôpital dans chaque région de France pour traiter le cas de ces malades.
Jean-Marie Le Pen vous a traité de candidat venant de l’immigration et, en allant sur la dalle d’Argenteuil, il a semblé dire : «Moi, je vais dans les banlieues, lui, il n’y va pas… »
Ce n’est pas arrivé jusqu’à vos oreilles que j’y suis souvent allé ?
Il a dit : « L’autre vous traite de racaille, moi, je dis que vous êtes des Français formidables, quelle que soit votre couleur. » Sauf moi, qui étais un immigré… Que répond l’« immigré » ?
D’abord M. Le Pen a dit qu’on est différents. Il a raison, il y a une très grande différence entre nous. Ensuite, je pense que la campagne électorale, ce n’est pas un champ de foire. Une campagne électorale, ce sont des candidats qui exposent leur projet. C’est assez fascinant de voir Bayrou, Royal, Le Pen n’être obsédés que par une seule chose : me critiquer ou m’attaquer. Pourquoi ne défendent-ils pas leurs idées ? C’est une erreur. Les Français vont choisir un projet et un candidat.
Une des attaques, c’est que vous seriez interdit de banlieue…

De tous les candidats, je suis celui qui a été le plus souvent en banlieue, puisque j’y suis allé plus de 200 fois. Mais les mêmes qui me reprochent de ne pas y aller maintenant disaient que j’y allais trop, que j’instrumentalisais la banlieue, et que je ne devrais pas y aller avec des caméras. C’est-à-dire que ce qu’on me reprochait de faire il y a deux mois, on veut que je le fasse maintenant ! Mais je suis quelqu’un de raisonnable et responsable. Pourquoi voudriez-vous que je cède à la provocation ? Pour le plaisir de qui ? De mes contradicteurs ? La France ne se réduit pas aux quartiers difficiles. Je dois aussi aller à Gap, à Châteauroux, à Issoudun. Je dois aller dans toutes ces villes où on ne brûle pas de voitures et où on ne casse pas pour se faire entendre. Ces Français-là ont aussi droit à la parole.
Que pensez-vous du contrat première chance de Ségolène Royal ?

Il est difficile de commenter le contrat première chance de Ségolène Royal puisqu’en cinq jours il a changé cinq fois et que j’aurais donc dû faire cinq commentaires. Pour autant, je ne crois pas que la césure par l’âge soit pertinente. Inventer un contrat pour les moins de 25 ans est une erreur. Car on peut avoir 24 ans et avoir fait Polytechnique et ne pas avoir besoin d’un contrat aidé par l’Etat. Et on peut avoir 42 ans, perdre son emploi parce que l’entreprise est délocalisée et, à ce moment-là, se trouver en situation d’être aidé par l’Etat. Je n’ai jamais pensé, y compris pour le CPE – c’est pour cela que j’étais contre –, que l’âge est dirimant. Ce qui est dirimant, c’est l’absence de formation. Je propose un plan Marshall 2 pour les jeunes des quartiers difficiles. Pas parce qu’ils sont jeunes, mais parce que socialement ils sont homogènes dans un quartier difficile où il faut lutter contre l’oisiveté. Aussi faut-il leur proposer un contrat, une formation, un salaire, pour les obliger à sortir de la situation dans laquelle ils sont
Quelle serait votre idée du score idéal au premier tour ?
Mon ambition est de venir en tête au premier tour le plus haut possible. C’est pour ça que je me bats. Il sera toujours temps, si je suis qualifié, de voir ce que je fais au second tour. Deuxième remarque, je n’aime pas la façon dont on culpabilise des électeurs du Front national. S’ils sont partis au Front national, ce n’est pas parce que Le Pen était une espérance, mais parce qu’ils étaient en souffrance. Et parce qu’ils se disaient : les partis républicains nous ont oubliés. Je veux donc parler à ces électeurs qui étaient les nôtres auparavant. Je veux leur dire que j’ai besoin de leur soutien, de leur adhésion, sur les valeurs qui sont les nôtres, qui ne sont pas celles de M. Le Pen. La droite républicaine et le centre sont de retour, ils peuvent nous faire confiance.
La « droitisation » de votre campagne dans ces dernières semaines ne compromet-elle pas un rassemblement au second tour avec l’UDF ?
Sans doute vaut-il mieux être à 18 % pour rassembler au second tour ! C’est extraordinaire. Jamais depuis Pompidou un candidat de droite n’a été à ce niveau dans les sondages. Et on vient me contester une capacité à rassembler ! Deuxième point, je récuse fermement la droitisation. Parler de la nation, ce n’est pas se trouver à droite, il y a des tas de gens à gauche qui veulent qu’on parle de la nation. Parler du travail, ce n’est pas se trouver à droite. Blum et Jaurès parlaient des travailleurs parce qu’ils respectaient le travail. Le problème de Mme Royal est qu’elle parle des statuts et oublie les travailleurs : c’est tout à fait honteux. Parler d’identité, ce n’est pas non plus être à droite, c’est une aspiration nationale des Français les plus populaires, qui n’ont jamais voté à droite et qui entendent qu’on parle de l’identité nationale. Je conteste cette lecture « pensée unique » sur ma droitisation. Les mêmes, d’ailleurs, disaient il y a quinze jours que je m’étais gauchi.
Vous engagez-vous solennellement sur un gouvernement de 15 ministères pleins avec une moitié de femmes ?
Oui.
Dans les regroupements de ministères, y aura-t-il un même ministère Culture-Education nationale ?
Il faut un ministère de la Culture. Mais je veux le mettre dans un ensemble avec l’Education nationale. Parce que je ne veux pas que les enseignements artistiques qui sont, à mes yeux, capitaux, soient sacrifiés sur l’autel de l’importance politique du ministre de la Culture. De la même façon, je veux coupler la Santé et le Sport. Il y aura bien sûr un ministère des Sports, mais dans un ensemble. Parce que si on ne met pas la Santé et les Sports dans un même ensemble politique, on ne lutte pas contre le dopage. De la même façon qu’il faut adjoindre l’Identité nationale à l’Immigration. Parce que, si l’on n’explique pas aux immigrés qui veulent devenir français ce que c’est que la France, il n’y a aucune chance qu’ils réussissent leur intégration.
Et pour les deux ministères de l’Economie ?
C’est une erreur de mettre la stratégie économique et la stratégie comptable dans un même ensemble. Il doit y avoir un ministère des Comptes, de tous les comptes (Sécurité sociale, Etat, collectivités), qui assure la régularité, le sérieux de la gestion, et un ministère de la Stratégie économique, qui prépare la France à la mondialisation.
Dans quel esprit composerez-vous votre gouvernement ? Un tiers de purs sarkozystes, un tiers de ralliés et un tiers de société civile ?
Ce n’est absolument pas mon état d’esprit. D’abord, parce que je pense que le mot sarkozysme ne veut rien dire : le président n’est pas l’homme d’un clan, n’est pas l’homme d’une secte, n’est même pas l’homme d’une équipe. Il est l’homme de la nation. Son devoir, c’est de prendre les meilleurs.
Et les fidèles ?
Le travail d’un président de la République n’est pas de récompenser des fidélités. S’il a cette notion en tête, il n’est pas à la hauteur de ses responsabilités. Il doit constituer la meilleure équipe, non pas en fonction de ce que les gens ont fait dans le passé, mais de ce qu’ils seront capables de faire dans l’avenir. Dans cette équipe, il y aura des gens d’autres formations politiques. Parce que le rôle du président, c’est de rassembler.
Il pourra y avoir des UDF ?
Bien sûr.
Des Front national ?
Non, ça, c’est exclu.
Vous donnerez le nom de votre Premier ministre entre les deux tours ?
Non. Je pense qu’il y a une logique de la campagne. Laissons passer le premier tour, pour voir quel sera le thème majeur de la campagne. Voyons ensuite sur quelles bases sera le deuxième tour.
Mais vous avez quand même une idée des critères pour nommer votre Premier ministre ?
J’ai même plus qu’une idée. Mais je vous ferai remarquer que ce sont les Français qui choisissent leur président de la République. Et tant que celui-ci n’est pas élu, il n’a pas à se comporter comme s’il avait déjà été choisi.
François Fillon a-t-il le profil idéal ?
En tout cas, il a le profil.
Au niveau des secteurs d’activité ou des administrations, faut-il renouveler des responsables ?
Il faut renouveler profondément la haute fonction publique. Je suis préoccupé de voir que, depuis trente ans, les meilleurs de la fonction publique partent dans le privé. J’aimerais que les meilleurs du privé reviennent dans la fonction publique.
Comment procéderez-vous aux nominations ?
D’abord, il n’y a pas de clan Sarkozy. Je ne suis prisonnier de personne. La notion même de clan m’est totalement étrangère. Donc, on changera beaucoup le mode des nominations, parce qu’elles doivent être fondées sur la compétence, tourner le dos à la connivence. Il faut une République irréprochable. Je demanderai au Parlement et aux commissions spécialisées concernées de ratifier les nominations les plus importantes. Avec peut-être une majorité qualifiée, pour être sûr que les personnalités qui sont nommées soient au-dessus de tout soupçon. Par exemple, je considère normal d’associer le Parlement ou la commission des affaires économiques au choix du président d’EDF, de même que les commissions des affaires culturelles pourront donner leur sentiment sur la nomination du président du CSA, dont je changerai la composition.
France Télévisions aussi ?
Pourquoi pas ? C’est le service public.
Et les magistrats ?
Non. Les procureurs de la République sont chargés de mettre en oeuvre la politique pénale du gouvernement.
Le président de la République doit-il toujours rester président du Conseil supérieur de la magistrature ?
Je n’en suis pas convaincu.
Elu, quel calendrier envisagez-vous ? En combien de temps votre programme doit-il être appliqué ?
En deux ans, il faudra avoir fait la totalité des réformes. Deux ans pour mettre en oeuvre les réformes, et aussi pour identifier et choisir les gens qui vont les mettre en place.
Quelles seraient les mesures prioritaires ?
Défiscalisation des heures supplémentaires : pas de charges, pas d’impôt. Déduction des intérêts de son revenu pour acheter son logement. Mise en place d’une peine plancher pour les multirécidivistes. Et le mineur multirécidiviste de 16 ans considéré comme un majeur. Ce sera le menu de la session extraordinaire du mois de juillet. Si les Français me font confiance, je serai élu pour cinq ans, mais à la fin 2007, tout cela sera prêt.
Pas de service minimum, en revanche ?
Le service minimum sera voté avant la fin 2007.
La cinquième année, on fait quoi ?
La cinquième année, on réfléchit à la possibilité de se représenter…
Y a-t-il une dernière proposition concrète que vous voudriez lancer avant le premier tour ?
Non. J’ai dit tout ce que j’avais à dire. Je voudrais simplement ajouter une chose : je m’engage à ramener en cinq ans le chômage à 5 % avec une durée moyenne du chômage ramenée à cinq mois, car je suis persuadé que le plein emploi est applicable. Les Anglais l’ont fait. Et il y a deux choses que je ferai également à l’été 2007 : interdire à un chômeur de refuser plus de deux offres d’emploi consécutives correspondant à ses capacités ; et obliger un titulaire de minimum social à exercer une activité en contrepartie de ce qu’il a.
Vous parlez peu, ou moins, de la discrimination positive. Vous avez laissé tomber l’idée ?
La discrimination positive à la française, c’est le plan Marshall 2 pour la formation des jeunes. Je veux les couper de l’oisiveté, de la drogue, de la désespérance en leur disant : la solution à vos problèmes, c’est le travail. On est là dans la discrimination positive à la française.
Qu’est-ce qui va changer dans la politique étrangère de la France, qui est la même depuis quarante ans ?
Je ne crois pas que la stabilité soit l’objectif. Au nom de la stabilité, on s’est arrangé de Yalta et du mur de Berlin. On s’est arrangé de Tito en Yougoslavie. On s’est arrangé de Brejnev en Union soviétique. Le mot stabilité, qui incarnait la politique étrangère de la France depuis des décennies, ce mot-là, je ne le reconnais pas. Premier élément, la stabilité ne doit pas servir à garantir des dictatures. Deuxième élément, la France doit reprendre l’initiative en Europe, elle ne peut pas rester la France du « non à l’Europe ». Troisième élément, je veux que la France mette les droits de l’homme au service des droits de la femme à travers le monde. Ingrid Betancourt, c’est inadmissible ; les infirmières bulgares sont françaises à mes yeux ; la Tchétchénie, on ne peut pas l’accepter ; le Darfour, c’est un scandale. Quatrième élément, la France doit mieux choisir les zones où elle veut être puissamment présente et ne pas essayer de se disperser. Cinquième élément, l’union de la Méditerranée sera pour moi une priorité. Il faut qu’on fasse l’union de la Méditerranée comme, il y a soixante ans, on a fait l’union de l’Europe.
Vous ressentez-vous toujours comme un candidat de la rupture ?
Je me sens plus que jamais le candidat de la rupture, puisque les autres candidats sont contre moi. Au moins suis-je le candidat de la rupture avec tous les autres. La passion de ma vie, on la connaît, c’est l’action. Je suis le seul candidat qui aura les moyens de changer les choses. Mme Royal ne veut pas de changement, elle veut statufier la France. Quant à M. Bayrou, il ne veut pas de changement lui non plus, puisqu’il n’en aura pas les moyens sur le plan politique. Il n’aura pas la majorité pour cela. Quelle est la stratégie de François Bayrou ? Que nous dit-il pour le lendemain des législatives ? « Tous les autres ont échoué, il n’y a que moi qui suis bon. » Quelle majorité se donne-t-il ? François Bayrou, c’est la certitude de l’immobilisme. Parce qu’on entre dans un schéma à l’italienne, avec une majorité où il faut faire des compromis en permanence.
Lui parle de schéma à l’allemande…
Le schéma à l’allemande, ce n’est absolument pas ça : il n’y a pas de parti centriste en Allemagne. C’est assez curieux de parler d’un tel schéma : en Allemagne, c’est la droite et la gauche qui ont décidé, parce qu’aucun n’avait gagné les élections, de gouverner ensemble. Il n’y a pas de parti centriste. Si M. Bayrou rêve d’un schéma à l’allemande, c’est un schéma sans lui. Cela voudrait dire que Mme Royal et moi, nous gouvernons ensemble ! Mais sur quelle stratégie de jeu, pour faire quoi ? M. Bayrou dit : il faut mettre tout le monde là-dedans. Très bien. On fait quoi sur les 35 heures ? Moi, je veux les libérer. Les socialistes ne veulent pas. On fait quoi sur l’immigration ? Mme Royal veut régulariser tout le monde, jusqu’aux grands-parents des enfants qui sont à l’école. Moi pas. Qu’estce qu’on fait ? Bayrou, c’est l’immobilisme.
Si vous devenez président, est-ce que vous habiterez l’Elysée ?
Oui.
Votre femme Cécilia jouera-t-elle à la « First Lady » ? On élit un candidat, pas une famille. Si je suis élu, ma femme jouera un rôle, c’est évident. On a passé des années à me reprocher d’exposer ma famille. Maintenant, on me demande pourquoi je ne l’expose pas. Je pense que les Français sont extrêmement lucides. Ils choisiront sur deux éléments : le projet et la personne. Pas sur un troisième, la famille. C’est valable d’ailleurs pour tout le monde.

Partager :

Auteur/autrice : Laurent DEJOIE

Laurent DEJOIE Notaire Président de l'Association du Notariat Francophone Vice-président du Conseil Régional des Pays de la Loire

3 réflexions sur « INTERVIEW DE NICOLAS SARKOZY AU FIGARO MAGAZINE »

  1. Cela a le mérite d’être clair.
    Même pour les convaincus qui ont parfois besoin de se faire remettre en tête les éléments essentiels du programme. Et trop peut-être pour ceux qui , la tête dans le sable, battent des jambes pour se donner l’illusion d’avancer.

  2. Si l’entretien avait concerné un autre candidat, il aurait certainement été aussi convaincant… on peut tout dire. Je crois que jamais un candidat à l’élection présidentielle, au moins récemment (et les exemples des vingt-cinq dernières années sont édifiants) ne s’est senti lié par ce qu’il avait pu dire pendant sa campagne électorale, ou si peu…
    Faut-il d’ailleurs une campagne électorale qui ne trompe personne ?
    Vraiment, quelle lassitude !

  3. Caonnaissez-vous Joseph Macé-Scaron, ex-Directeur du Figaro-Magazine ?
    ex car il a refusé de servir Nicolas Sarkozy !

Les commentaires sont fermés.