La disparition de l’Abbé Pierre est celle d’un monument. L’hommage de la nation va être unanime. Mon hommage à moi sera de m’interroger sur ce qui fait qu’un homme ou une femme peut ainsi entrer dans l’Histoire et plus encore être reconnu par tous sans que personne ne puisse se l’approprier.
Le courage, la force de caractère, la capacité à prendre des positions minoritaires et à les rendre incontestables sont en général partagés par ces femmes ou ces hommes.
Des comportements atypiques par rapport à la norme sociale, à l’argent ou au pouvoir les caractérisent également.
Nécessaire, tout cela ne suffit pas. Il faut y ajouter au moins deux éléments. Le sentiment ressenti par chacun d’entre nous de leur devoir quelque chose et le respect par eux de tous les autres même ceux dont ils ne partagent pas les opinions.
Tirer tout le monde vers le haut est leur préoccupation commune.
Ils constituent alors l’un des éléments du patrimoine collectif de la Nation et de la fierté de ses habitants.
Il appartient ensuite au pays et à ceux qui le composent de leur rendre ce qu’ils ont donné en s’inspirant de leurs leçons dans leur comportement.
Vaste programme, comme aurait dit un autre monument national, le Général de Gaulle.
A une période dite électorale ou nous voyons le développement des " égo" se faire jour, car pour beaucoup, nous continuons de chercher l’ engagement au service des autres malgré les appellations de partis, les besoins de pouvoir étant plus forts que celui d’ altruisme.
La force de ces etres d’ exception, dont incontestablement l’ abbé Pierre sera , au meme titre que le curé d’ ARS ou saint Vincent de Paul ou bien meme saint Jean Baptiste de la Salle réside dans le fait qu’ ils n’ ont fait qu’ oeuvrer pour le bien d’ autrui faisant abstraction de toute recherche de profit personnel ou bien meme reconnaissance à une période ou le commun de ceux qui croient exister dans cette société, en attendent confirmation dans le regard des autres.
On ne peut pas dire que ce fut le cas de l’ abbé Pierre, ce qui explique que la Nation y compris ceux qui ont eu le pouvoir d’ agir pour supprimer ce qu’ il dénonçait, dans un " examen de conscience" salue la valeur d’ un Homme qui aura marqué son passage . Espérons que ce qu’ il aura initié trouvera réalisation en simple souvenir de son action et pour éradiquer une part de la misére de ce Quart- Monde que nous avons tendance à oublier , car trop proche de nous pour nous donner mauvaise conscience, soucieux que nous sommes de nous libérer en donnant pour ce qui ne nous est pas voisin.
Il y a des êtres exceptionnels qui ont su consacrer leur vie aux autres, ou a des causes nobles avec beaucoup d’humilité de modestie et de conviction. Des êtres dont le nom est inscrit à jamais dans l’histoire de l’humanité et qui nous lèguent un précieux héritage. L’Abbé Pierre aura rejoint Ghandi, Théodore Monod, Mère Teresa et n’ayons pas peur de mélanger les genres, son ami Coluche. Qui prendra la relève dans un monde de plus en plus cruel et individualiste ?
L’abbé Pierre laisse résonner derrière lui une phrase qu’il souhaitait comme épitaphe et que je n’oublierai pas : "J’ai essayé d’aimer".
Il était la voix des sans voix,la voix de la conscience,l’épine dans le pied des puissants, enfin IL ETAIT CE QU’IL DISAIT, ce en quoi il doit être un exemple à suivre
Personne ne peut en effet se l’approprier ! L’abbé Pierre était un homme libre.
Ce qui me questionne aujourd’hui c’est notre capacité à nous, qui sommes des privilégiés de la vie, de vivre des moments d’isolement, voire de grande solitude, de silence, comme aimait le faire l’abbé Pierre afin d’entendre une petite voix intérieure nous dire que nous sommes tous, individuellement, capables d’agir pour ceux qui souffrent.
Pas la peine d’aller bien loin : regardons devant notre porte !
Cette conscience-là peut faire mal !
Il me revient le souvenir du récit d’une personne qui avait vécu une expérience de désincarnation, de mort clinique… je ne me souviens plus du terme exact, mais enfin, cette personne, se trouvait à l’hôpital après un accident, et s’était sentie aspirée dans un tunnel, avec, au bout, une lumière blanche etc… récit qu’ont fait un certains nombre de personnes qui se sont trouvées à un moment entre la vie et la mort.
On y croit ou non, ce n’est pas la question.
Cette personne donc racontait qu’elle se trouvait merveilleusement bien dans un flot de lumière puissante mais non aveuglante, et qu’une voix ferme et douce à la fois, l’interrogeait, sans même lui reprocher quoi que ce soit :
– qu’as-tu fais pour les autres ?
– eh bien, je n’ais jamais ennuyé personne, je n’ai jamais dit de mal de personne, je n’ai jamais causé de tort à personne, et même j’ai pu rendre quelque services.
Et la voix de poursuivre :
– oui, mais, qu’as-tu fais pour les autres ?