Je viens de prendre connaissance dans le détail du programme de la session ordinaire que viennent d’entamer les parlementaires. Le moins que l’on puisse en dire, c’est qu’avec ces (trop) nombreux textes en attente d’examen, députés et sénateurs n’auront pas le temps de chômer d’ici l’élection présidentielle. Plus généralement, se pose derrière cet ordre du jour chargé la question de l’inflation législative et des problèmes qui vont avec.
Avec une soixantaine de codes législatifs et près de 200 lois nouvelles votées chaque année, la France est championne lorsqu’il s’agit de légiférer. Dès lors qu’un problème éclate ou qu’une revendication surgit, nous faisons une loi de plus !
S’agit-il pour autant d’un progrès démocratique ?
Les lois garantissent la liberté individuelle mais régissent de plus en plus – à l’excès – les relations entre les individus eux-mêmes et vis à vis de la société. L’explosion du nombre d’experts juridiques et le carnet de commandes des 30 000 avocats du pays en attestent. Les tribunaux sont devenus le lieu de "négociation forcé" préféré des français. Même le monde associatif, initialement vecteur de lien social, est aujourd’hui pollué par des contestataires en tout regroupés sous forme de lobbies, suffisament armés pour attaquer sur le terrain judiciaire le monde qui les entoure. Cette dérive est regrettable.
le paradoxe étant de refaire une nouvelle loi pour modifier une ancienne loi inappliquable ou ayant été retoquée par le conseil d’état!!! cf loi sur les 35h dans la restauration………
On empile, on empile, on ne retire jamais. Cela fait le bonheur des plus brillants avocats qui trouvent toujours, un décret, un loi, un texte , une jurisprudence qui viennent contredire une décision.
"Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Épicure… Qu’ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers et à y attacher cent mille lois ? Ce nombre n’a aucune proportion avec l’infinie diversité des actions humaines. La multiplication de nos inventions n’arrivera pas à la variation des exemples. Il y a peu de relation de nos actions, qui sont en perpétuelle mutation, avec les lois fixes et immobiles. Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales".
Michel de Montaigne – Essais – Livre III.
Encore un sujet qui pourrait susciter bien davantage de réactions sur le blog…
Si Montaigne savait de quoi il parlait -il était conseiller au Parlement de Bordeaux-, bien de nos parlementaires contemporains devraient s’en inspirer. Ce sujet colle, on ne peut plus, à l’actualité. Je pense aux 35h remises en questions qui ont fait beaucoup de tort à notre pays à l’heure de la mondialisation. Cette soif de légiférer à un coût pour la société et l’ État. Ici à Vertou, certains tentent à nouveau de mettre à mal le projet du parc sportif des Echalonnières en s’accrochant à une nouvelle loi.
Comme il en a été débattu dans le sujet précédent sur l’élection des conseillers communautaires, on fait des lois comme on enfile des perles (j’aime bien cette métaphore) et comme on accumule les administrations. On répond à un problème par une loi sans procéder préalablement à une étude d’impact et sans se préoccuper des lois existantes. Au moment où l’on parle du CV anonyme, pourquoi ne pas en faire de même pour les lois ? N’est-ce pas là aussi un problème d’égo où chacun veut faire sa loi pour la postérité ?
je crois que le nombre excessif de lois (sans parler des réglements et autres circulaires) a deux origines :
– la première est que nous ne savons pas légiférer, soit volontairement (lois de circonstances et bâclées, lois de clientélisme, ou simplement en raison du coût des dispositions à mettre en oeuvre), soit involontairement à cause des difficultés des rédacteurs à se repérer dans un fratras de textes.
– la deuxième se trouve dans notre tendance à demander toujours plus à l’Etat, qui est bien obligé de cadrer son intervention.
Je vois à tout cela deux conséquences néfastes :
– D’une part, en multipliant les textes, comment peut-on imaginer que quiconque puisse savoir où se situent ses droits et ses devoirs ?
Dans tous les domaines, y compris professionnel, on peut craindre les actes commis d’une manière hasardeuse.
j’y vois là un encouragement à des comprtements asociaux ou même antisociaux.
– D’autre part, l’éloignement du citoyen et de la chose publique :
comment ne pas penser que si tout est compliqué, c’est pour cacher quelque chose, comment expliquer que cet imbroglio de textes existe dans l’intérêt du citoyen et non pas construit par des hommes politiques évoluant dans un autre monde ?