Tribune parue dans le journal Ouest-France du mercredi 27 septembre 2006.
La réforme des tutelles est prête mais en cette rentrée, responsables d’associations familiales, élus, magistrats, ne voient toujours rien venir. Or, il y a urgence, car l’augmentation considérable du nombre des mesures de protection ou des personnes atteintes de maladies dégénérescentes donne le vertige.
Les progrès de la médecine et l’allongement de la durée de vie ont des conséquences parfois mal évaluées. Nous, notaires, le constatons souvent. Si autrefois, un enfant handicapé avait de fortes chances de disparaître avant ses parents, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Que deviendra-t-il lorsque ses parents ne seront plus là ? Plus simplement, de nombreuses personnes très âgées deviennent dépendantes sans pour autant être « incapables » intellectuellement. Comment les accompagner efficacement ?
Ces situations sont complexes, toujours délicates, parfois dramatiques, et exigent une grande attention aux personnes. C’est donc notre société toute entière qui doit se mbiliser et répondre aux véritables défis qui lui sont lancés : défi de solidarité, défi d’imagination.
Défi de solidarité
L’Etat et les colectivités locales, malgré l’importance des déficits publics, doivent considérer cette question comme une priorité. Cela impose de mettre fin à la confusion, qui règne en matière de récupération des aides sociales. En effet, sur la fin de sa vie, et en fonction de son état, une personne peut recevoir diverses aides et bénéficier d’une prise en charge que la collectivité considère, à juste titre, comme remboursables. Mais comment expliquer à ses héritiers que telle aide sera récupérée sur la succession et pas telle autre ? Comment faire comprendre que les montants varient au gré des circonstances, des dates, voire du domicile ? Comment leur faire accepter enfin que, longtemps après le réglement de la succession, des sommes importantes soient réclamées ? Clarifier, simplifier : ces deux mots d’ordre s’imposent.
Défi d’imagination
Il faut un véritable statut de la personne protégée aux facultés mentales altérées. Car, si notre droit protège son patrimoine, qu’en est-il de sa dignité, de sa vie personnelle et intime, de sa liberté de prendre certaines décisions la concernant ?
Imagination encore, pour instituer dans notre droit ce mandat de protection future qui permettrait à chacun d’entre nous de désigner la personne à qui serait confié le soin de gérer nos biens, au cas où nous serions atteints d’incapacité.
Imagination enfin, pour que deux parents puissent continuer à assurer ensemble, au-delà de ses dix-huit ans, l’administration légale de leur enfant handicapé. Comment peuvent-ils accepter en effet, que celui-ci devenu majeur, un seul des deux ait la possibilité de prendre des décisions, l’autre étant écarté ?
Ces propositions, les notaires les ont formulées avec le souci de conserver à chacun sa dignité et sa part de liberté, d’aider les familles à mieux assurer leurs devoirs. Rechercher des moyens financiers ne suffit plus. On ne peut tout demander à l’Etat, aux juges ou aux services sociaux. Adapter le droit aux exigences nouvelles de la société s’impose. Le notariat français entend y contribuer.
Laurent Dejoie
Notaire à Vertou (Loire-Atlantique)
Président du conseil supérieur du notariat
Je trouve ça plutôt intéressant qu’un groupe social ou une profession comme la vôtre puisse, en connaissance de cause, donner son avis, conseiller et alerter les acteurs politiques sur la nécessaire évolution du cadre juridique entourant notre société. Je ne sais pas si cela fonctionne mais cela correspond au nouvel esprit de "gouvernance" souvent invoqu" par les spécialistes des processus décisionnels.
Sur le fond, pour avoir été confronté il y a quelques années à la question de la dépendance d’un proche et parcouru avec ma famille un incroyable parcours du combattant pour "trouver une solution" (une place en hébergement tout simplement). Je pense qu’on ne prens pas à bras le corps le problème du vieillissement de la population et la question de la fin de vie. Notre société – société du loisir, de la vitesse des échanges, du culte de la beauté – a peur de se regarder en face. En tout cas, c’est bien de poser les questions comme vous le faites. J’espère que votre appel au législateur sera entendu.
Il me semble important que chacun de nous puisse savoir clairement à quoi il s’expose, et par conséquent quelles précautions il doit prendre. Nous serons presque tous confrontés à cette difficulté à un moment ou à un autre, soit que nous nous trouvions en état de dépendance, soit que nous ayions à assister un proche.
L’idée d’un Droit de la personne dépendante est intéressante, comme celle de pouvoir, dans ce domaine là comme pour tout ce qui concerne le droit de la famille et des biens on puisse s’adresser au notaire.